Compte-rendu du 2ème Atelier sur l’enseignement du japonais en France

Deuxième Atelier sur l’Enseignement du japonais en France

appelé et organisé par le Comité pour l’Enseignement du Japonais en France (CEJF)
Samedi 26 janvier 2008, 13:30-17:30, à la Maison de la Culture du Japon à Paris

COMPTE RENDU

Avant d’ouvrir la séance, Mme Cécile SAKAI rappelle que les trois commissions du CEJF (Commission d’élaboration des programmes de japonais, Commission d’évaluation pour la création d’un CAPES externe de japonais et Commission sur la Formation permanente des enseignants de japonais) ont été créées à l’issue du Premier Atelier sur l’Enseignement du japonais en France, en juin 2005. La réunion de ce jour est l’occasion de dresser un bilan intermédiaire des travaux menés par ces trois commissions. Le projet de colloque « Le japonais c’est possible – Etats généraux sur l’enseignement du japonais » sera également présenté et discuté à la fin de la réunion.

Allocution de M. Yamada Fumihiko, Ministre à l’Ambassade du Japon en France.

M. Yamada nous assure tout d’abord, dans la langue de Molière, du soutien de l’Ambassade, et rend hommage au public français qui montre toujours plus d’intérêt pour la langue et la culture japonaises. Ces dernières années, l’essor du manga en France a contribué à celui de l’apprentissage du japonais, et ce, malgré la concurrence du chinois. Puis, poursuivant « dans la langue de Kawabata », M. Yamada souligne que 2008 sera une année faste pour nous tous, puisqu’elle correspond au 150ème anniversaire des relations franco-japonaises. De nombreuses manifestations auront lieu sous l’égide de l’Ambassade (http://www.fr.emb-japan.go.jp/150/index.html).

Allocution de M. Nakagawa Masateru, Président de la Maison de la Culture du Japon à Paris, représentant la Fondation du Japon.

M. Nakagawa se réjouit du travail déjà réalisé, tout en soulignant qu’il reste encore beaucoup à faire. Dans le domaine de l’apprentissage des langues comme dans celui du commerce ou du secteur privé en général, il est fondamental d’investir pour s’assurer une hausse de résultat. Notre volonté d’agir rappelle celle du lièvre de la fable, mais dans les faits, la quantité de travail nous fait bien plutôt ressembler à la tortue. Quoi qu’il en soit, c’est la tortue qui a le dernier mot… M. Nakagawa espère donc que nous continuerons à nous investir afin de réaliser notre objectif commun, qui consiste à faire découvrir le charme de la langue japonaise au plus grand nombre.

Allocution de M. de Monnanteuil, Doyen du groupe des langues vivantes de l’Inspection générale du Ministère de l’Education Nationale.

M. de Monnanteuil, qui avait déjà accepté de participer à l’atelier de 2005, nous fait l’honneur de nous rejoindre à ce deuxième atelier. Il souligne que le travail de la Commission d’élaboration des programmes, réalisé en un temps très court et dans le respect des exigences du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) a très apprécié au Ministère. M. de Monnanteuil rappelle également qu’il fondamental de faire découvrir la culture tout autant que la langue d’un pays. En cette année 2008, année internationale du dialogue interculturel, un important travail sur le multilinguisme sera mené au niveau européen. La question du multilinguisme peut aussi s’appliquer à l’Asie en général : l’étude du japonais, comme celle d’autres grandes langues, contribue à une meilleure connaissance de cette région du monde et, bien entendu, du Japon. M. de Monnanteuil nous adresse ses voeux de succès pour nos travaux respectifs.

Allocution de M. François Macé, Président du CEJF, Professeur à l’INALCO, Chargé de mission après de l’Inspection générale pour l’enseignement du japonais.

M. Macé remercie tout d’abord toutes les personnes présentes d’avoir répondu à l’appel du CEJF, puis dresse un bilan : dans le secondaire, les temps sont difficiles pour les langues vivantes (tandis que la situation est un peu meilleure dans le supérieur). Le travail des trois commissions n’en est donc que plus essentiel. M. Macé souligne ensuite que le 150ème anniversaire des relations franco-japonaises correspond à peu près à celui du premier cours de japonais jamais donné dans notre pays. Il espère donc, à double titre, que la promotion du japonais connaîtra un vif succès en 2008. Ce sera l’un des objectifs du colloque « Le japonais c’est possible – Etats généraux sur l’enseignement du japonais », qui devrait se tenir en septembre 2008.

Tour de table

Les participants se présentent à tour de rôle.

Compte rendu de la Commission d’élaboration des programmes LV en japonais.

Dans un premier temps, M. Jean Bazantay rappelle l’historique de la commission, créée en juin 2005. La première année, 15 membres volontaires venus de tous les horizons, ont participé à des réunions quasi mensuelles à la Maison de la Culture du Japon à Paris, avec le soutien précieux de la Fondation du Japon. Des professeurs spécialistes de la didactique du japonais dans le supérieur ont également accepté de prêter leur concours à ce travail. Au sein de ce groupe de réflexion, des sous-groupes furent constitués pour travailler plus particulièrement sur les compétences, la grammaire, la graphie, le lexique ou encore la culture. M. Bazantay en profite pour remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont pris part, d’une manière ou d’une autre, à cet énorme travail.

Le groupe s’était fixé pour objectif initial d’élaborer en priorité un programme de LV2 (applicable au collège à partir de la 4ème). Au fur et à mesure de l’avancement du travail, le groupe apprit que la distinction entre les niveaux de LV (LV1, 2 et 3) n’était plus opérée dans les programmes, et qu’il devrait réfléchir en termes de « paliers », conformément au CECRL. A l’époque, le groupe ne savait pas encore précisément sous quelle forme son travail se concrétiserait. La publication des programmes de l’Education Nationale est un processus très complexe ; or, le travail du groupe s’est engagé alors que la rédaction des programmes des autres langues était déjà bien avancée, ce qui a constitué une difficulté supplémentaire. L’objectif était désormais d’élaborer au plus vite le programme du palier 1 du collège.

A partir d’avril 2006, le Ministère a pris en compte le travail du groupe en constituant un sous-comité composé de 5 membres (un par sous-groupe existant) titulaires de l’Education Nationale. M. Lionel Mérand a fait office de lien entre ce sous-comité et le Ministère.

A ce stade, la question se posait encore de savoir si le travail de la commission était conforme ou non avec les exigences formelles du Ministère. Après un an de réflexion sur les contenus, la commission a donc mis en forme le programme du Palier 1 en se référant aux programmes déjà publiés pour d’autres langues.

M. Lionel Mérand intervient à son tour. Il insiste tout d’abord sur le fait qu’il a fallu « prendre le train en marche », la rédaction du programme du Palier 1 du collège ayant été engagée dès 2004 pour la plupart des langues. Par ailleurs, il a fallu s’adapter à l’approche du Ministère, qui considère que les langues vivantes, tous niveaux confondus, ne constituent qu’une seule et même matière.

En juin 2006, une lettre de cadrage du Ministère a permis de mieux cerner les attentes du Ministère quant au contenu et à la forme des programmes. Le plan, imposé, ne laissait aucune place aux choix personnels.

Le programme de japonais du Palier 1 du collège (entré en vigueur à la rentrée 2007-2008) a été déposé en octobre 2006, puis soumis à consultation. Seuls deux collègues ont fait part de remarques sur le texte. Au même moment, il a été demandé à la commission de concevoir les contenus du Socle commun (qui recense les compétences minimales qu’un élève doit maîtriser en fin de 3ème). Il a alors été décidé que les contenus du programme du Palier 1 définiraient ceux du Socle commun (un arrêté a été pris en ce sens).

Le travail, plus difficile, sur le Palier 2 (applicable à la rentrée 2009-2010) fut engagé dans la foulée, et le résultat final, déposé en janvier 2007 (le texte a été publié le 13/09/2007 sous forme de petit fascicule). Depuis, la commission travaille sur le Document d’Accompagnement (DA) du Palier 1, qui devrait être achevé dans un mois environ. Elle devra ensuite préparer le DA du Palier 2, dont l’achèvement est prévu pour début 2009. On se réfèrera à ces DA notamment pour les listes de lexique et de lectures de kanji.

Enfin, les programmes de primaire n’ont pas pu être intégrés au processus de publication, et feront donc l’objet d’un travail ultérieur.

M. Mérand explique ensuite comment lire les programmes, dont la forme peut surprendre. Il convient tout d’abord de lire le Préambule Commun pour l’enseignement des langues vivantes, et qui vaut pour toutes ces dernières. Quant au programme de japonais en tant que tel, il peut se résumer, pour le Palier 1 du collège, aux deux premières pages ; tous les tableaux de compétences qui suivent ne sont proposés qu’à titre d’exemple (il convient donc de ne pas les appliquer en l’état, les différentes compétences étant le plus souvent travaillées simultanément). Par ailleurs, il est rappelé que c’est par la culture que se fait l’entrée dans la langue, et non l’inverse. M. Mérand souligne que la liste des composants graphiques, qui a pour but de faciliter la mémorisation des kanji, n’a également qu’une valeur indicative. Enfin, une distinction entre compétences actives et « passives » (le terme « en reconnaissance » semble plus approprié) a été opérée pour la grammaire, la graphie et la phonologie.

Il convient de prendre connaissance des programmes déjà publiés. Pour les appliquer, il serait souhaitable de proposer une formation. Enfin, il faudra s’assurer qu’ils sont bien appliqués en classe.

A la fin de l’année scolaire 2007-2008 aura lieu la première évaluation des élèves de 3ème dans le cadre du Socle commun (Palier 1 pour le japonais). Le texte venant d’être publié, il faudra attendre encore un peu avant de voir si les résultats sont conformes aux attentes.

Le prochain « chantier » portera sans doute sur les programmes du lycée.

La commission appelle à un renouvellement de l’équipe, le travail réalisé depuis juin 2005 étant considérable.

Exposé de Mlle Komai Rei sur le thème « L’enseignement du japonais langue étrangère en cycle primaire : de l’élaboration des programmes à leur mise en oeuvre – l’exemple du Lycée franco-japonais de Tôkyô ».

Le texte complet de l’intervention de Mlle Komai figure en annexe. Merci de bien vouloir vous y référer.

Compte rendu de la Commission d’évaluation pour la création d’un CAPES externe de japonais, et point sur la situation de l’Agrégation externe de japonais.

Mme Shimamori Reiko rappelle tout d’abord que la commission a été créée en juin 2005, à l’issue du Premier Atelier sur l’enseignement du japonais, puis énonce quelques chiffres, fournis par la Fondation du Japon.

En 2006, le japonais était enseigné dans 49 établissements du primaire et du secondaire (pour un total de 95 enseignants et de 3940 élèves), dans 102 établissements du supérieur (pour un total de 277 enseignants et de 8451 étudiants) et dans 42 établissements ne relevant pas de ces catégories (avec 130 enseignants et 3143 apprenants). La situation du japonais en France est inversée par rapport à la Grande-Bretagne, où les effectifs sont plus nombreux dans le primaire et le secondaire. Il serait souhaitable qu’en France, davantage de jeunes puissent commencer l’étude du japonais au moins dès le lycée, sinon plus tôt, avec des enseignants compétents et bien formés, d’où l’utilité de la création d’un CAPES externe.

Mme Françoise Guelle énonce un certain nombre de difficultés rencontrées par la commission dans sa démarche. En 2006, on constatait déjà un écart sensible dans le recrutement des professeurs de chinois et de japonais. L’Ambassade du Japon a prêté son concours en appuyant un courrier adressé au Ministre, mais aucun réponse n’a été obtenue. Début 2007, la commission a tenté de savoir pourquoi aucune suite n’avait été donnée au courrier. Le Ministère a répondu qu’il serait dangereux de titulariser de nouveaux enseignants de japonais « qui n’auraient pas d’élèves ». Le problème viendrait donc d’un manque de « demande », à l’inverse du chinois qui semble jouir du statut de « langue d’avenir ». A l’automne 2007, la situation n’était toujours pas débloquée.

La communication avec le Ministère et au sein même du Ministère semble difficile. La commission estime que ses interlocuteurs sont loin d’être convaincus de la nécessité de créer un CAPES externe de japonais, tandis que l’élaboration des programmes est encouragée, ce qui peut sembler contradictoire : pour appliquer les programmes, il faut des enseignants formés.

La question de la « demande » pour le japonais est épineuse. Dans les faits, chacun constate que la demande est très forte pour le japonais, contrairement à ce qu’affirme le Ministère. Mais il semble qu’une volonté politique conjuguée à des difficultés budgétaires empêche de développer le recrutement en japonais. Le rapport de 1 à 15 entre le nombre d’enseignants de japonais et celui des enseignants de chinois, est, depuis 2 ans, proche de 1 à 60. Mme Guelle se demande ce que deviendront tous les enseignants de chinois recrutés en grand nombre, lorsque la « mode » du chinois, présenté comme « facteur d’intégration » dans les zones sensibles, sera passée.

Mme Frédérique Barazer intervient ensuite pour souligner, tout d’abord, les problèmes matériels que rencontrent les enseignants au jour le jour en raison du faible recrutement. Le nombre d’élèves qui peuvent s’inscrire en section de japonais au lycée est souvent limité par les rectorats, alors que l’engouement pour le japonais est réel et massif. Dans certains établissements, l’accès au japonais LV3 est limité aux élèves de L. Le contournement de la carte scolaire n’explique pas à lui seul cette forte demande. La culture japonaise est, après la culture américaine, celle qui s’exporte le mieux dans le monde entier. Beaucoup d’élèves en viennent à apprendre la langue par le biais de la culture qui les attire beaucoup. Une enquête a permis de constater que 35% des élèves de 3ème d’une zone donnée choisiraient d’étudier le japonais au lycée si la possibilité leur en était donnée, un chiffre beaucoup plus important que pour le chinois. Il existe donc un grand décalage entre la situation telle que l’appréhende le Ministère, et la réalité. Par ailleurs, l’enseignement du japonais est très développé dans le supérieur ; or, il y a peu de continuité dans l’enseignement du japonais entre le secondaire et le supérieur (il serait souhaitable que des élèves qui ont étudié le japonais au lycée puissent poursuivre dans le supérieur sans repartir de zéro). La demande est également très forte dans le privé, mais là encore, le nombre d’enseignants et de classes ouvertes est insuffisant.

En conclusion, la commission estime qu’elle se heurte à une volonté politique contre laquelle elle ne peut rien. La solution du lobbying auprès des députés est avancée. Le constat est amer : aucun poste n’a été créé depuis la dernière session d’agrégation en 2003. On procède à des regroupements d’heures pour ne pas recruter. L’agrégation 2008 ne verra pas le jour non plus. La situation des enseignants de japonais dans le secondaire est préoccupante : souvent seuls dans leurs académies, ils savent qu’en cas de maladie, par exemple, ils ne peuvent être remplacés. Il semble que l’on attende les départs en retraite (au meilleur des cas) pour ne pas renouveler les postes. La commission souligne que l’absence de recrutement n’a même pas permis de pallier la disparition récente et prématurée de deux de nos collègues.

Une fiche d’enquête visant à évaluer la « demande » en japonais sera envoyée par courriel par M. Macé. Nous vous remercions de bien vouloir la faire circuler auprès de collègues qui ne l’auraient éventuellement pas reçue. Vous pouvez la télécharger à l’adresse http://nippongo.free.fr/Questionnaireenseignementjaponais.doc,

et la retourner à M. Macé par mail (francois.mace
@​inalco.fr
) ou par courrier postal à :

M. François Macé
Département Japon
Centre Dauphine, Inalco,
Place du Maréchal de Lattre de Tassigny
75116 PARIS